Mes chers enfants présents ou lointains, et cependant tous proches du cœur de votre maman,
Ces quelques mots vont vers vous dans cette période …historique ! Nous vivons du « jamais vu ». C’est la première fois que quelque chose nous arrive qui concerne toute la planète en même temps, faisant se rejoindre l’espace et le temps dans une unité de pensée bizarre…. C’est troublant de découvrir comme l’être humain ressent, comme jamais auparavant, que son existence est liée à tous les autres humains qu’il ignorait jusque-là, à travers tous les pays de la planète …
Tous unis dans le même élan, chacun à sa façon, réunis par la même nécessité vitale ! Parce qu’il y a nécessité à ce que l’humanité survive, alors tout le reste devient superflu, il est question de restituer la valeur des choses, à leur place ! Nous ne sommes plus des individus isolés, nous sommes l’Humanité toute entière! C’est émouvant, et porteur d’un élan formidable qui ne peut que nous toucher tous.
Les personnalités se révèlent, à titre individuel, et c’est loin d’être simple, car si l’amour apporte tant de belles opportunités, la peur de son côté fait beaucoup de ravages. Les attitudes éparses des uns ou des autres se côtoient toutes . C’est tellement humain.
Mais il y a un autre choix possible, c’est celui d’accompagner ce qui arrive en dehors de toute peur, en étant simplement là, parce que ça fait partie de nos vies : Quoi qu’il arrive, si nous faisons le mieux qu’il nous est possible de faire, alors le reste ne dépend plus de nous, et nous pouvons lâcher prise. C’est d’ailleurs vrai dans tous les domaines de notre vie, tous les jours. Et si cela ne dépend plus de nous, alors nous pouvons vivre en paix et en conscience… et nous révéler !
« même pas peur! »
C’est pour cela que la peur est une option inutile : elle n’évite pas le danger, comme on dit… par contre elle le rend trop présent et masque tout le reste, le positif, le bon, le vrai, le réel aussi… et nous empêche d’accéder au meilleur de nous-même.
Dans un moment comme celui-ci, j’aime prendre le temps de me recentrer sur l’essentiel. J’aurais aimé aussi, oh, oui, pouvoir téléphoner à mes parents, mon papa et ma maman, échanger avec eux « comme dans le temps », parler avec eux de tout cela, recevoir d’eux la sagesse d’une vie comprise et acceptée, tout comme je construis la mienne. –« à nos âges », comme on dit… (avec un sourire)
Ma chère grand-mère m’avait dit un jour que ce qui faisait le plus bizarre était, à un moment donné de sa vie, de se retrouver à la tête de sa famille –en âge. Etre la plus âgée de sa branche, ne plus avoir ce soutien inconditionnel des parents qui sont là, et qui, par leur simple présence, justifient le monde, consolent, apportent une sagesse, un réconfort, une écoute, …un recours, en somme, si illusoire soit-il, contre la dureté de la vie…
J’ai aussi découvert avec émerveillement la place réelle de notre part transgénérationnelle, à travers ce constat scientifique sans appel… Une petite fille vient au monde avec son « quota » d’ovules au grand complet (contrairement aux garçons qui vont créer leurs spermatozoïdes au fur et à mesure des jours…) C’est-à-dire que lorsqu’une petite fille vient au monde, ce nourrisson a déjà tout son capital d’ovules prêt à aller à maturité quand ce sera le moment, -déjà là. Dont celles qui donneront naissance ensuite, un jour, à ses enfants… Alors cela signifie que ces enfants en devenir, sous forme de ces ovules patientes, existent et baignent déjà dans l’énergie de leur grand-mère maternelle, avant même d’être les élus de la vie lors de leur propre gestation …
Ainsi, cette sagesse de ma maman est aussi inscrite dans la moitié de votre capital énergétique de naissance : elle vous a portés, chacun de vous sous forme de promesse, pendant qu’elle me portait –et de la même façon, chacune de vos filles, mes chers enfants, a baigné dans l’énergie de sa maman et dans celle de sa grand-mère pour en faire son patrimoine.
Ainsi, la boucle est bouclée :
A travers l’espace – et ce que nous vivons maintenant- et à travers le temps –et les générations dont nous sommes un maillon-, nous sommes tous reliés, sans pouvoir nous défaire de cette nécessité d’exister les uns au milieu des autres, et de cette réalité. C’est fabuleux, parce que cela nous remet humblement à notre place : nous ne sommes rien les uns sans les autres.
Voilà, c’était ma page « sagesse » du jour. Une facette de mon rôle de « génération du dessus », moi qui n’ai plus de maman ni de papa pour m’accompagner dans les moments où je voudrais bien. En avais-je seulement autant conscience quand ils étaient encore là tous les deux ! Leur présence semblait seulement simple et naturelle… alors qu’elle était précieuse et irremplaçable !
Je pense à vous très très souvent et je me réjouis de vous suivre et vous accompagner, selon vos demandes, dans tout ce qui donne de la valeur à votre vie : le quotidien, les événements simples de la vie… avec vos conjoints et vos enfants, qui m’enchantent tous et chacun par leur existence propre autour de vous, et dans notre vie de famille au sens large.
« jusqu’à quand? »
Je suis toujours là aussi pour vous, mes fils éloignés de moi. Le silence n’est qu’apparent, -et que pourrait –il être d’autre ?- . Le temps passe et je suis toujours là. Je ne sais pas pour combien de temps, puisque personne ne le sait, pour soi comme pour les autres, et ça donne un peu d’intérêt à la chose ; la Vie est pleine d’obligations discrètes, dont celle-ci : être vigilant sur le temps qui passe sans savoir jusqu’à quand il passera. Donc donner à chaque instant sa pleine valeur, le vivre à fond. C’est précisément ce qui réveille notre humanité en ces jours de pandémie : il est question partout de « jusqu’à quand » on est confinés, « jusqu’à quand » il y aura des risques, « jusqu’à quand » les malades sont-ils malades ou contagieux, « jusqu’à quand » on aura peur pour nos proches,… « jusqu’à quand » on devra télétravailler ou s’arrêter, « jusqu’à quand » les écoles seront-elles fermées, « jusqu’à quand » le pays vivra-t-il au ralenti, etc… « jusqu’à quand » on va devoir penser au virus avant de penser à tout le reste pour la gestion du quotidien… L’instant présent est une réponse si puissante à cette course sans réponse !
Et ça pourrait tellement nous mettre en face d’autres questions profondes : « jusqu’à quand » on va décider de garder du négatif dans nos vie avant de l’apaiser, « jusqu’à quand » on gardera en soi des rancœurs, des peines, des souffrances du passé révolu… « jusqu’à quand » on choisira de rester verrouillés… et « jusqu’à quand » on trouvera ça normal… parce que tout ce négatif est un virus pire que « le » virus, plus durable, plus enraciné, plus vivace et faisant tant de dégâts aussi!
C’est à ce recentrage total que le confinement nous invite, et auquel votre maman vous invite aussi. Pour que nous sortions tous victorieux de cet épisode étrange, ayant su recréer de l’espérance à la place des distances vides, de la vie à la place de la sclérose, de l’amour à la place de la peur. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le moment qui le veut, pour peu que chacun de nous réalise à quel point nous sommes tous vulnérables. Et le sens de la vie, c’est quand elle menace de s’arrêter : Quels que soient les regrets, ils sont tous inutiles lorsque la vie donne tout son sens.
La réponse à toutes les questions est L’Amour.
(Et si ce n’est pas la réponse
c‘est simplement que ce n’était pas la question…)
Je vous embrasse tous comme je vous aime, prenez bien soin de vous et des vôtres, comme si je le ferais si j’étais au près de vous.
Merci à vous quatre d’être mes enfants, chacun à votre façon, chacun tel qu’il est, et d’avoir apporté à ma vie autant de choses différentes, nouvelles, vivantes, parfois difficiles –et ça fait partie d’une vie bien remplie.
Affectueusement à vous tous,
De tout mon coeur de Maman
Lettre à mes enfants adultes, le 7 avril 2020 en plein confinement pour cause de pandémie du Covid-19
Claire BUREL , publié ici pour un partage avec tous.